Développé au CSEM, ce circuit intégré peut réaliser des tâches d’intelligence artificielle complexes - reconnaissance des visages, des voix, des gestes, des battements cardiaques - et être facilement configuré selon l’application souhaitée. Il fonctionne grâce à une petite batterie ou à l’énergie solaire, et traite les données localement.
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Prédire la durée de vie d’une machine grâce aux vibrations, surveiller une maladie en analysant les battements cardiaques des patients, ou encore permettre la reconnaissance faciale dans les dispositifs de surveillance. Autant de technologies rendues possibles grâce à l’intelligence artificielle. Actuellement, les systèmes capables de réaliser ces tâches complexes consomment beaucoup d’énergie et nécessitent souvent une connexion permanente avec le " cloud ". Cela soulève de nombreuses questions liées à la protection des données, à la sécurité et à la consommation d’énergie.
Les chercheurs du CSEM sont parvenus à développer un « system-on-chip », alimenté par une petite batterie ou une petite cellule solaire, et capable d’effectuer ces mêmes tâches localement sur la puce, sans nécessité de transmettre des données a priori sensibles. Ce dispositif sur puce est entièrement modulable et s’adapte à toute application nécessitant l’analyse de signaux ou d’images en temps réel. Leurs résultats seront présentés à la prestigieuse conférence VLSI Symposium, au mois de juin à Kyoto.
Pour parvenir à ce résultat, les scientifiques ont innové dans la façon de procéder à l’analyse des signaux, afin de réduire au maximum la consommation d’énergie. La puce (ASIC) contient ainsi un processeur (RISC-V, également développé au CSEM), gérant deux accélérateurs, en charge de la reconnaissance et de la classification. Le premier est un accélérateur BDT (Binary Decision Tree), consommant très peu d’énergie et capable de réaliser des tâches simples, mais pas la reconnaissance en elle-même.
"Dans le cadre de la reconnaissance faciale par exemple, ce premier accélérateur va répondre aux questions simples : est-on effectivement en présence de personnes ? Si oui, voit-on des visages ?", explique Stéphane Emery, à la tête de l’équipe System-on-Chip du CSEM. "Si on cherche à reconnaître des voix, il pourra détecter s’il y a du bruit, et si ce bruit correspond à des voix. Par contre, il n’est pas capable de procéder à la reconnaissance des personnes ou des mots, et devra passer la main au second accélérateur."
Si la réponse aux premières questions est oui, le second accélérateur, de type CNN (Convolutional Neural Network), est alors enclenché. Un peu plus énergivore, il gère les tâches complexes et pourra ainsi reconnaître les visages ou discerner les mots. Grâce à ce fonctionnement d’analyse hiérarchisée, le besoin en énergie du système est ainsi très faible, puisque seul le premier accélérateur est généralement allumé.
Les chercheurs ont également utilisé leur expérience pour optimiser les accélérateurs eux-mêmes, et surtout les rendre adaptables à toute sorte d’applications basées sur l’analyse d’images ou de signaux variant avec le temps.
"Le mode de fonctionnement reste le même", indique Stéphane Emery. "Nous pouvons simplement reconfigurer les différentes couches de l’accélérateur CNN, pour qu’il s’adapte à l’objectif recherché."
Ces dispositifs innovants ouvrent la porte à de nombreuses applications pour lesquelles un dispositif autonome pouvant fonctionner sur batterie pendant plus d’une année est nécessaire. Ils permettront de faire drastiquement baisser les coûts d’installation et de maintenance des installations les intégrant, et pourront être placés dans des lieux dont l’accessibilité rend le changement de batterie difficile.